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Difficile de louper les autocollants géants qui couvrent cette semaine
les bus des lignes 1 et 5 en ville de Fribourg. On peut y lire: «Abus
sexuels! Parlons-en, agissons!» Le mot «Non» est inscrit au-dessous dans
trois langues nationales. Le diacre de Rossens, Daniel Pittet, est à l’origine
de cette campagne de publicité peu banale.
Coauteur d’un récent livre sur les abus sexuels commis en secret dans les
familles, intitulé Insoutenables secrets, le Fribourgeois donnait des pistes
pour se relever et parler des abus. Confident de nombreuses victimes,
parfois aussi d’agresseurs, il a créé l’association «Non, nein, no», qui
distribue des cartes de prévention dans les écoles. «L’idée est que les
enfants l’aient sur eux et la sortent s’ils avaient affaire à un pervers.
J’avoue que cela peut sembler simpliste. Pourtant, tous les pédophiles
abuseurs que j’ai rencontrés m’ont confirmé qu’ils auraient arrêté
immédiatement si leur victime avait prononcé ce simple non», explique
Daniel Pittet.

Campagne de six mois
Afin de faire connaître son action, Daniel Pittet a financé cette campagne
ambulante de six mois par l’intermédiaire de Media F. «L’idée est
d’interpeller les gens pour qu’on en parle au maximum.» Son message
choc s’affiche sur les bus 1 (Granges-Paccot - Marly) et 5 (Torry - Villarssur-
Glâne) de l’Agglomération de Fribourg, sur un véhicule de Mobul
(agglomération bulloise) et un autre qui roule en Singine. Une affichette
présente dans tous les bus égrène le même message, qui se décline
également dans des vidéos de dix secondes.
Le prix de la campagne est d’environ 48 000 francs. «L’association «Non,
nein, no» finance 35 000 francs grâce au produit de la vente des livres.
Pour le solde, je cherche encore des donateurs, mais je suis confiant sur le
fait que je le trouverai», dit le géant chauve, lui-même ancienne victime
d’un pervers pédophile, qui a multiplié les conférences et les témoignages
dans les écoles ces dernières années. «Tellement de gens sont concernés
Temps de lecture : 4 min
par les abus sexuels… On estime que 800 000 personnes en Suisse ont eu
affaire à des abus», rappelle Daniel Pittet.
Ailleurs en Suisse
L’auteur des visuels espère que cette campagne fera boule de neige:
«J’espère que ce n’est qu’un début. Après les TPF, j’aimerais que cette
campagne soit faite dans d’autres cantons, peut-être dans toute la Suisse.
Ce message est un signe d’espoir pour toutes les victimes, celles qui sont
sorties du silence et celles qui n’ont pas encore réussi à la faire», dit
Daniel Pittet. Sa carte de prévention a déjà été distribuée à plus de 30 000
exemplaires dans toutes les écoles du Valais et dans certains
établissements vaudois et jurassiens. Une carte identique est diffusée en
France.
« Ce message est un signe d’espoir pour toutes les victimes »
Daniel Pittet, qui avait témoigné en 2017 de son enfance brisée par les
viols commis par l’ex-prêtre capucin Joël Allaz dans le best-seller Mon
père, je vous pardonne, préfacée par le pape François et récemment
adapté pour le théâtre, connaît bien la mécanique des abus. «Il faut libérer
la parole et briser l’omerta pour mettre fin à ces abus et à la honte qui les
accompagne. Si les victimes gardent le silence, les abus sexuels risquent
de se reproduire dans l’entourage et d’une génération à l’autre. C’est ce
qui ressort de beaucoup de témoignages.»
Marqué par son parcours difficile et sa lente rédemption, sa libération au
prix de plusieurs dépressions, celui qui est devenu père de six enfants a
été ordonné l’an dernier «diacre des périphéries» par l’évêque du diocèse.
«Je lance des messages et j’écoute les personnes dans le cadre de mon
ministère, mais il est évident que je ne peux pas accompagner moi-même
DANS LA MÊME RUBRIQUE
les victimes d’abus. Je leur conseille de consulter des psychologues, des
associations spécialisées ou de participer à des groupes de parole.»
Viols «communs»
Concevoir des messages aussi grands sur des véhicules de transports
publics, «c’est une manière de dire que les abus sexuels sont incroyablement
nombreux. Un enfant sur cinq y est confronté, souvent dans le cadre
familial», souligne Daniel Pittet. Parfois, ce sont des adultes.
Le procès très médiatisé des violeurs de Mazan (F) n’a pas vraiment
surpris le Fribourgeois: «Le viol n’est hélas pas quelque chose
d’extraordinaire, c’est même très commun. Certains viols en série commis
dans des familles, y compris dans le canton de Fribourg, me donnent une
idée de l’horreur de la situation. Les victimes ont rarement le courage
d’aller en justice, parce que cela coûte cher et cela exige beaucoup de
courage». Un constat qui pousse Daniel Pittet à en parler le plus
largement possible. »

Sortie prévue d'Insoutenables secrets dans sa version française “Le dernier tabou” aux éditions Baribal le 15 octobre 2024

Victime d'inceste durant son enfance, l'auteur, devenu lanceur d'alerte, donne la parole à des spécialistes, des professionnels et des victimes afin de décrypter les mécanismes de l'inceste et de comprendre l'omerta qu'il suscite. 
160 000 enfants sont victimes, chaque année, de violences sexuelles. Tous les cinq jours, au coeur de sa famille, un enfant meurt sous les effets de ces violences... Ces chiffres, d'une ampleur colossale, concernent uniquement la France, pour un phénomène qui reste l'un des derniers tabous de notre société.
Victime de viols durant son enfance, Daniel Pittet appartient à ceux qui ont osé briser le silence. Son témoignage, publié dans son premier livre à l'immense retentissement « Mon père, je vous pardonne » (éditions Philippe Rey), a libéré la parole de nombreuses victimes et d'abuseurs. Dans ce nouvel ouvrage, l'auteur, devenu lanceur d'alerte, se porte au-delà de sa propre histoire. Il y fait dialoguer spécialistes, professionnels et victimes pour décrypter les mécanismes de ces violences et les raisons de l'omerta qu'elles suscitent.
Une enquête courageuse et nécessaire au coeur d'un phénomène de société, véritable sujet de santé publique, qui concerne chaque famille dans ce qu'elle a de plus intime.

Article sur l'inceste paru dans l'Écho Magazine septembre 2024

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