Livre "Mon Père, je vous pardonne"
Survivre à une enfance brisée
Livre témoignage sorti en 2017.
Une pièce de théâtre a été adaptée au théâtre en 2023 par Jean Naguel afin de susciter le débat et de participer à une démarche de prévention.
Suite à la sortie du livre "Mon Père, je vous pardonne" en 2017, Jean Chollet, directeur du théâtre Bateau-Lune, décide de l'adapter au théâtre!
Interview de Fabian Ferrari sur ce qui se joue sur les planches !
https://www.rts.ch/play/tv/-/video/-?urn=urn:rts:video:14832861
Revue de presse sous https://bateaulune.ch/presse/
Notre projet : Susciter le débat et participer à une démarche de prévention
En proposant une adaptation théâtrale de Mon père, je vous pardonne nous
avons un doublet projet : susciter le débat et participer à la prévention.
Pour aller dans ce sens avec un minimum d’artifices, nous avons choisi une
scénographie qui puisse être l’illustration la plus honnête possible du témoignage
de son auteur Daniel Pittet.
Susciter le débat
Il est vrai que le débat autour de la pédophilie n’a pas besoin de notre réalisation
pour exister dans l’espace public. Il n’empêche : rien ne passe aussi
rapidement que l’agitation médiatique autour d’un livre, d’un film ou d’une
réalisation au théâtre. Au moment de la sortie du livre, Daniel Pittet a été
invité par pratiquement tous les médias de Suisse romande… et aujourd’hui,
on en parle toujours. Or ce témoignage est assez unique en son genre au
sens où Daniel Pittet ne règle pas ses comptes. Ni auprès de son violeur, ni
auprès de tous ceux qui ont verrouillé le silence autour de lui, ni auprès de
l’Eglise catholique qui a mis très longtemps à reconnaître les faits. Et non
seulement il ne règle pas ses comptes, mais en plus il pardonne !
C’est dire que non seulement Daniel Pittet dénonce (avec tout ce que cela peut
comporter de « dommages colatéraux »), mais en plus il initie une démarche
de pardon, seule capable de permettre une vie sereine, seule capable de lui
permettre d’être « debout ».
Le débat est donc triple : comment dénoncer ces actes odieux, criminels,
apparemment impardonnables que sont les viols d’enfants et en même temps
comment initier une démarche de pardon indispensable pour que la vie – au
sens le plus riche du terme – soit à nouveau possible. Et enfin comment les
structures impliquées privilégient les protections des collaborateurs au détriment
des victimes.
Participer à une démarche de prévention
Daniel Pittet est souvent invité dans des écoles pour parler pédophilie et
prévention. Il a créé une carte (format carte de crédit) qu’il distribue un peu
partout autour de lui et qui a pour but d’apprendre aux enfants qu’ils ont le
droit de dire non.
Mon Père, je vous pardonne est conçu comme un spectacle particulièrement
léger, lui permettant d’être présenté dans toutes sortes de contextes : groupes
de travail, écoles, séminaires, écoles de théologie, écoles pédagogiques,
etc.
Le registre du témoignage
Le livre de Daniel Pittet n’est pas une oeuvre d’art ou de littérature : c’est un
témoignage. Et c’est exactement ainsi que nous avons conçu notre spectacle.
Avec un minimum de moyen pour qu’une parole sobre, dure, parfois crue,
puisse être entendue dans toute sa force ; sa force de dénonciation autant
que sa force de reconstruction.
La scénographie se composera uniquement de quelques éléments tirés de la
presse et devant ces extraits de presse (texte, photos, caricatures), un comédien
vous parle…
La pédophilie : une question de plus en plus débattue dans la société contemporaine
Depuis quelques années, avec des spectacles comme Les chatouilles, ou plus
récemment, livres et un film comme Le Consentement, de Vanessa Springora
ou encore des affaires telles que celle de Gabriel Matzneff ou Roman Polanski,
la pédophilie s’est invitée très largement dans les débats de société. Et ce
qui ne manque pas de nous étonner aujourd’hui, c’est de constater que des
comportements qui nous apparaissent criminels en 2023, ne semblaient pas
susciter de polémique, il y a cinquante ans seulement !
Jean Chollet: «Le théâtre comme processus de prévention des abus»
Jean Chollet qui répète actuellement Mon père je vous pardonne (ed. Philippe Rey), la pièce qu’il a adaptée du livre éponyme de Daniel Pittet, a reçu cath.ch au théâtre Le Bateau-Lune, à Cheseaux-sur-Lausanne (VD). Il évoque les raisons qui l’ont poussé à adapter le témoignage coup de poing de Daniel Pittet, violé par un prêtre pendant quatre ans, de 9 à 13 ans.
Pour quelles raisons avez-vous choisi d’adapter le livre de Daniel Pittet?
Jean Chollet: «Pourquoi monter cette pièce? Pour casser du curé? Pour aborder un thème à la mode? Pour le débat de société?» sont des questions qu’on va probablement me poser. En fait, je me situe dans la ligne de Daniel Pittet: il s’agit de participer à un processus de prévention. Des événements affreux se sont passés. Soit. On ne va pas pratiquer la chasse aux sorcières jusqu’au jugement dernier. Il faut trouver des solutions pour que cela ne se reproduise pas. La scène permet une forme de partage, d’expériences et d’histoires qui participent à la prévention des abus. Or avec une mise en scène à cinq ou six personnages et des décors, la pièce ne sort pas du théâtre.
Notre projet était au contraire d’avoir un spectacle qui puisse bouger. Nous allons d’ailleurs jouer à Fribourg, à Genève et à Sion, au théâtre de l’Alizée. Et j’aimerais que la pièce puisse être jouée en dehors d’un théâtre qui nécessiterait une scène, un régisseur, une rampe de lumières, etc. Dans l’idée qu’à la demande d’un séminaire, par exemple, nous puissions y présenter la pièce. Cela explique la scénographie très légère, pour éviter le déplacement d’un camion de décors, et un seul en scène qui permet au comédien de se déplacer sans problème.
«La scène permet une forme de partage, d’expériences et d’histoires qui participent à la prévention des abus.»
Pensez-vous à jouer dans des collèges, des écoles, voire dans des salles de paroisse?
J’aimerais beaucoup et c’est une de nos ambitions. Cela dépendra du proviseur, des professeurs et de ce qu’ils peuvent tolérer. On a commencé à faire des demandes en ce sens. Je me réjouis que Mgr Morerod puisse venir à la première pour discuter de la suite à donner à cette représentation. Dans le fond: comment être utile à la cause? Encore beaucoup trop de gens déplorent que l’Eglise protège ses prêtres abuseurs.
Vous avez choisi la formule d’un seul en scène
Le fait d’être en face de quelqu’un qui va me raconter sa vie, même si je sais que c’est un comédien, confère une présence extraordinaire au personnage. La pièce débute ainsi: l’acteur Fabian Ferrari incarne Daniel Pittet qui témoigne: «Je m’appelle Daniel Pittet, j’ai 65 ans, je suis marié, j’ai six enfants, j’ai travaillé à la bibliothèque de Fribourg. Entre 9 et 13 ans, j’ai été violé toutes les semaines par un prêtre». La pièce s’articule autour de la narration et de la réflexion: par moment, au milieu de la narration, le personnage s’arrête, réfléchit à ce qui se joue dans le pardon, à ce qui se joue dans les abus. On voit qu’il construit une pensée autour des faits qu’il relate.
Jean Chollet, metteur en scène, et Fabian Ferrari, qui sera seul sur scène, répètent «Mon père je vous pardonne» | © Bernard Hallet
Les abus sexuels sont abordés de manière très crue dans le récit. Est-ce un aspect du livre que vous avez intégré dans la pièce et si oui, de quelle manière?
J’ai repris les mots crus que Daniel emploie quand il évoque les viols. Lorsqu’il dit: «Aujourd’hui, après dix-huit ans de thérapie, j’ai envie d’employer les mots qui me semblent justes pour exprimer ce que j’ai vécu. Et peu importe s’ils ne sont pas toujours politiquement corrects. (…) Ces mots seront parfois crus, parce qu’un viol c’est abject, c’est sale. On ressort toujours d’un viol avec un sentiment de souillure profonde. Une trace indélébile. À jamais.» J’ai gardé cet aspect sans pour autant le surcharger, ni en images ni en vocabulaire ordurier, afin que le public ne se focalise pas là-dessus. La violence d’une personne qui a autorité sur un enfant, c’est terrible. Quand c’est un prêtre, c’est pire que tout. Mon entraîneur au football a une autorité sur moi, le professeur que j’admire aussi, mais le prêtre est près de Dieu, plus près de Dieu que moi. Quand lui agit et que je me mets en travers, je me mets en travers de Dieu. C’est la pire des choses qui puissent arriver.
Outre Fabian Ferrari sur scène, Laurence Froidevaux prête sa voix à la pièce. Quel est son rôle?
J’ai pensé à une voix «off» pour dynamiser la pièce. Des gens appellent Daniel Pittet au téléphone, parmi lesquels une journaliste, «jouée» par Laurence Froidevaux. En poursuivant le travail, je me suis dit que d’autres voix, que je n’ai pas encore signalées dans la distribution, me paraissaient nécessaires: celle du Père Joël Allaz dans la lettre qu’il écrit à Daniel, mais aussi les voix de Mgr Perisset et d’un autre journaliste.
Vous êtes-vous entretenu avec Daniel Pittet à propos de son témoignage pour l’adaptation ou êtes-vous resté sur le texte?
J’ai rencontré Daniel Pittet, mais je m’en suis tenu au livre. J’ai commencé à travailler l’adaptation de la pièce. J’ai fait plusieurs essais, plutôt fidèles à l’ordonnancement du texte. Je me suis rendu compte qu’il y avait trop d’éléments dont j’ai dû écarter une partie. L’ordre dans lequel les éléments apparaissent dans le livre convient bien pour l’édition, mais pas pour une pièce de théâtre. J’ai encore remanié mon adaptation pour arriver au texte que nous répétons actuellement.
Quels aspects de la vie de Daniel Pittet avez-vous privilégiés?
Le premier élément qui m’a frappé c’est le récit de la rencontre avec le Père Joël Allaz. Notamment l’histoire du merle des Indes qui parle dont se sert le Père Joël Allaz pour attirer Daniel Pittet. Il vient d’une famille déconstruite et fragile: une maman qui habille ses fils en fille, un père violent, puis absent. Le petit Daniel est une proie idéale pour un prédateur tel que Joël Allaz. Le deuxième élément également marquant est la manière dont Daniel fait confiance à Mgr Jean-Claude Perisset lorsque celui-ci s’engage à régler l’affaire. Lorsque Daniel Pittet dénonce à l’évêque le comportement du Père Allaz, on le croit et on lui assure que le cas sera réglé. Il fait confiance avant d’apprendre des années plus tard que l’on s’est contenté de déplacer le capucin abuseur et qu’il est, de plus, responsable de sept paroisses à Grenoble*. Cette rage de Daniel Pittet est l’élément déclencheur de la pièce.
«Le premier élément qui m’a frappé c’est le récit de la rencontre avec le Père Joël Allaz.»
Le pardon accordé par Daniel à son agresseur est-il une thématique de la pièce? Très tôt il fait la part entre l’Eglise et cet homme qu’il considère comme malade.
Je me suis effectivement attardé sur ce qui me paraît être la singularité absolue de Daniel Pittet. Contrairement à beaucoup d’hommes et de femmes qui auraient rejeté l’Eglise, Pittet ne la condamne pas, ce qui aurait été plus simple et plus pratique pour tout le monde. Il garde la foi et surtout pardonne à cet homme. En restant dans l’Eglise, il a même été ordonné diacre permanent en 2023, il met l’institution face au scandale et à ses responsabilités, beaucoup plus que s’il en était sorti.
Le Père Joël Allaz avait un côté très charismatique, il était très apprécié des jeunes.
J’ai gardé dans l’adaptation le regard que porte Daniel sur son abuseur: Joël Allaz était brillant, généreux avec ceux qui étaient démunis, un très bon prédicateur, il avait de l’humour et Daniel reconnaît ces qualités. Parallèlement, cet homme est une brute épaisse. J’ai également gardé dans l’adaptation la critique sur la complicité passive des capucins qui évoluent dans l’entourage de Joël Allaz. La critique l’omerta est, là aussi, forte. Y compris dans la famille même du prêtre où il a amené Daniel en vacances. Tout le monde est au courant, mais personne ne le dénonce. Jusqu’à ce que la grand-tante de Daniel, supérieure dans un couvent à une époque où les abus ne sont pas du tout thématisés dans la société, qui a compris que quelque chose d’anormal se passe, pose la bonne question. Elle est extraordinaire. «Oui, répond Daniel Pittet, mais elle n’a rien fait de plus.» Elle met un terme aux souffrances du garçon en décidant qu’il ne rencontrera plus le Père Joël, mais ne dénonce pas pour autant l’abuseur. On est toujours dans cette habitude de mettre les choses sous le tapis.
Le livre s’achève avec la retranscription de la rencontre entre Joël Allaz et Daniel Pittet, en présence de Mgr Charles Morerod. Qu’en avez-vous fait?
Je l’avais inséré dans la première version de mon adaptation. Je me suis rendu compte, en relisant l’ensemble, que cette partie était disproportionnée. Ou bien j’en disais 15 lignes et cela ne rendait pas justice à cet échange, ou bien je le retenais, mais avec cette trop grande proportion. Je ne l’ai donc pas intégré au spectacle. J’ai gardé le texte d’introduction à la première rencontre que Daniel évoque et où ils ne sont rien dit.
Jean Chollet adapte et met en scène le livre-témoignage «Mon Père je vous pardonne», de Daniel Pittet | © Bernard Hallet
Après la publication de l’étude de l’Université de Zurich sur les abus sexuels en Eglise en septembre 2023, le sujet a été très largement déployé dans la société, que souhaitez-vous apporter de plus au débat?
Quand je vais voir un film ou une pièce de théâtre, et c’est encore plus vrai dans ce dernier cas, l’émotion que me procure le spectacle est beaucoup plus forte que la lecture de statistiques, d’études ou d’un livre, si fort soit-il. C’est essentiel et c’est pour cela que je fais du théâtre. Le fait que Daniel Pittet ne balance pas par le fond l’Eglise l’institution, les prêtres et les évêques, c’est le plus extraordinaire. Surtout lorsqu’on voit l’évolution de la proportion de personnes qui se disent athées et les sorties d’Eglise, que ce soit chez les catholiques ou les protestants. Daniel a su faire la part des choses sans jeter le bébé avec l’eau du bain.
«Le fait que Daniel Pittet ne balance pas par le fond l’Eglise l’institution, les prêtres et les évêques, c’est le plus extraordinaire.»
Qu’est-ce qui vous a décidé à adapter le livre de Daniel Pittet?
Je suis tombé sur ce livre un peu par hasard, je l’ai lu d’une traite et je me suis dit qu’il fallait absolument en faire quelque chose. Cela m’a pris du temps parce que je n’ai pas repéré le livre à sa sortie et, lorsque je me suis décidé, il y a eu le covid. Lorsqu’il y a un an, lorsque j’ai inscrit cette pièce au programme de cette saison, je me suis demandé si je n’arrivais pas trop tard, pensant que c’était un thème intéressant il y a quelques mois et qu’il était aujourd’hui résolu. Finalement, tout n’est pas résolu et la pièce a, de fait, une très forte résonnance. (cath.ch/bh)
* A cette époque, Mgr Périsset est l’official du diocèse et agit sur ordre de Mgr Mamie. En outre Mgr Périsset n’a fait qu’expulser le Père Allaz du diocèse de LGF. Ce sont ses supérieurs capucins qui l’ont déplacé à Grenoble sans avertir l’évêque de ses dérives.
tiré de : https://www.cath.ch/newsf/jean-chollet-le-theatre-pour-participer-a-un-pro/
Metteur en scène et interprète
Jean Chollet / mise en scène
Après une licence en théologie à l’Université de Lausanne, Jean Chollet suit
les cours de l’Ecole Romande d’Art Dramatique (Lausanne), puis, entre dans la
classe de Michel Bouquet au Conservatoire de Paris.
Sorti du Conservatoire, il se tourne rapidement vers la mise en scène et fonde, à
Lausanne, la Compagnie de la Marelle. Dès 1982, il réalise des spectacles pour
cette compagnie, pour les Artistes Associés de Lausanne, le Théâtre du Peuple de
Bussang (Vosges) et le Théâtre du Jorat.
C’est ainsi qu’il montera notamment Luther de John Osborne, La Célestine de F. de
Rojas, La Passion du Juste de Péguy, Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze,
Le Menteur de Carlo Goldoni, Le Credo de Pilate de Karel Capek, Aliénor de
René Morax, George Dandin de Molière, La Rupture de Jean-Jacques Langendorf,
David et Bethsabee de F. Teulon, OEdipe Roi de Sophocle, Il est minuit Docteur
Schweizer de G. Cesbron, César Ritz and Co de Bernard Bengloan, L’Arlésienne
de Daudet et Bizet, Don Juan de Molière, Jonas de Elie-George Berrebi, Farinet
de Ramuz, Zorba le Grec de Nikos Kazantzaki, Les Confessions d’un Solitaire
d’après Rousseau, ou Mozart et Salieri d’après Pouchkine.
Parallèlement à ses activités de metteur en scène, Jean Chollet a travaillé pendant
quinze ans (1982-1997) au Service des Emissions Dramatiques de la Radio
Suisse Romande, en tant qu’adaptateur, tout d’abord, puis réalisateur, producteur,
et finalement, chef des Emissions Dramatiques. Il s’est efforcé de diversifier
considérablement le genre «fiction» en engageant notamment cinq jeunes réalisateurs.
Jean Chollet a été directeur du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges – France)
de 1985 à 1987, directeur artistique de la Compagnie de la Marelle depuis sa
création, en 1982, jusqu’en 2019, directeur du Théâtre du Jorat 1988 à 2008,
fondateur et directeur de l’Espace Culturel des Terreaux depuis de 2004 à 2019,
créateur et directeur de l’Espace St-Martial, à Avignon, depuis 2007.
Après avoir quitté l’Espace Culturel des Terreaux en 2019, Jean Chollet vient
de créer le Bateau-Lune, théâtre de poche, à Cheseaux, dans la banlieue lausannoise.
Signalons enfin que sous le pseudonyme de Jean Naguel, il est l’auteur de très
nombreux textes diffusés par la Radio Suisse Romande ou France Culture, et que
pour le théâtre, il a écrit notamment La Courtisane de Jéricho (1993), Les idées
noires de Martin Luther King (1992), Le Défi de Jeanne (1986), Timothée l’inoubliable
(1984), Antonio tailleur de Pavie (1986,) La Durand, prisonnière du Roy
(1982), Adélaïde et le Prieur (2000), Marilyn et le Savant (2003), Le Gospel de
Mahalia (2004), La mort du colonel d’après «La mort digne» de Frédéric Lamoth,
Le Manuscrit du Saint- Sépulcre d’après Jacques Neirynck, Noël à Brooklyn,
comédie musicale, La belle meunière, d’après Pagnol, Monsieur René et le Roi
Arthur, pour les 100 ans du Théâtre du Jorat et en automne 2008, Sur la route
de Korazim et plus récemment Le drôle de Noël de Monsieur Scrooge d’après
Charles Dickens, Marie-Madeleine de Santiago, Farinelli et le roi fou, Le Blues de
la Tortue, ou Painting Luther.
Fabian Ferrari / interprétation
De nationalité suisse, Fabian Ferrari commence sa vie professionnelle dans
l’humanitaire et effectue des missions en Afrique, au Moyen-Orient et dans les
territoires de l’ex-Yougoslavie. Il poursuit ensuite sa carrière dans la finance,
comme courtier d’abord puis dans la gestion de patrimoine au Japon, en Inde, en
Afrique du Sud, en Belgique et en Suisse. Passionné de théâtre depuis toujours, il
décide en 2009 de s’y consacrer entièrement et de quitter sa confortable vie de
banquier pour partir à Paris se former à l’art dramatique. Il suit ainsi les cours de
l’Ecole Claude Mathieu, art et techniques de l’acteur (Paris) jusqu’en 2012, date
à laquelle il en sort diplômé.
Il a, dès 2009, tourné dans de nombreux courts-métrages et clips et on l’a retrouvé,
en 2013, sur OCS Orange Cinéma Séries dans la première saison de La Lazy
Company, une série de Samuel Bodin. Il prête, régulièrement sa voix pour du
doublage de séries (Weeds, Dexter ou Fargo), des documentaires et des lectures.
Plus amoureux du théâtre que du cinéma ou de la télévision, il a joué sur scène
dans Le dixième homme de Graham Greene, Les Cahiers secrets d’Anaïs Nin
ainsi que dans des spectacles chantés dédiés à Claude Nougaro et Jacques Brel.
Il a interprété, en 2012, le rôle de Al dans Sallinger de Bernard-Marie Koltès au
Théâtre del’Opprimé à Paris et en 2015 au TGP de St-Denis, joué en 2013 au
Connétable dans La Nominée de Charles Pastèk.
Fabian Ferrari a également interprété le rôle du père dans Autour de ma pierre
il ne fera pas nuit de Fabrice Melquiot. Ce rôle lui a valu une nomination aux
P’tits Molières 2014.
Il a récemment joué deux pièces d’Alexandra Badea Europe Connexion et Je te
regarde au théâtre Alizé de Sion et au Festival Off d’Avignon.
Dernièrment on a retrouvé Fabian dans la pièce de Jean Naguel Il était toujours
Audrey Hepburn ou Les 4 Doigts et le Pouce de René Morax.
Depuis 2016 il enseigne avec passion le théâtre dans le cadre des Ateliers
Théâtre Fabian Ferrari à Lausanne.
www.fabianferrari.com
www.ciereneevaslap.ch
www.atelierstheatreferrari.ch
Interview en 2018 de Daniel Pittet par Béatrice Riand
Daniel Pittet / auteur (25 décembre 2018 Beatrice Riand)
Daniel Pittet a été violé plus de deux cents fois par Joël Allaz, sous la tutelle
aveugle de l’Eglise, parce que cet homme le trahit de la plus odieuse des façons.
Mais Daniel garde la foi, dans son Seigneur comme dans le genre humain. Et il
pardonne à son agresseur.
Daniel, pourquoi ce pardon à un homme qui, selon ses propres termes, admet
aujourd’hui avoir par ticipé au Massacre des Innocents ?
J’ai pardonné enfant, alors que cela faisait déjà trois ans qu’il me violait. Je me
souviens parfaitement de ce moment, j’étais son servant de messe, et il a prononcé
un sermon sur la Vierge Marie absolument magnifique. C’était tellement
beau que les gens en avaient les larmes aux yeux. Je buvais ses paroles, littéralement.
Je me suis rendu compte alors qu’il avait une double personnalité, qu’il
était à la fois un prêtre fantastique et un malade. J’ai pardonné au malade, et
je ne peux pas me renier en revenant sur ce pardon.
Joël Allaz reconnaît les faits et accepte de répondre à des questions, à la fin de
votre ouvrage. Il affirme que « le pardon, ou plutôt la réconciliation, ne peut
passer que par le face-à-face, que par le contact verbal ou écrit avec (ses) victimes
». C’est un pardon ou une réconciliation ?
C’est un pardon, mais en aucun cas une réconciliation. J’ai pardonné, mais
je ne pourrai jamais oublier ce qu’il m’a fait. Aujourd’hui encore, des scènes
terribles me reviennent en mémoire, qui m’empêchent de dormir…
Je n’entretiens aucun contact régulier avec lui, maintenant. Je n’ai été le voir
que deux fois. Vous savez, je ne reconnais plus physiquement en lui mon agresseur
d’autrefois. Quand j’étais enfant, il était plus jeune mais surtout il pesait
plus de 100 kilos. Aujourd’hui, c’est un vieil homme malade, très amaigri, qui
me parle de la pluie et du beau temps.
Cela ne vous met-il pas en colère de voir cet homme qui parle de son hobby, la
photo, qui avoue se promener en ville ou dans la forêt. Qui se plaint de manquer
de relations humaines. Qui se complaint dans la plainte alors qu’il est en
liberté. Alors qu’il devrait être derrière les barreaux.
Non, pas du tout. Il est dans une prison intérieure, vous savez, plus dure que
toutes les autres prisons. Les faits sont prescrits, on ne peut rien contre lui sur
le plan légal. Mais il est enfermé dans un couvent de capucins, isolé, il ne sort
plus du tout maintenant et il est constamment sous surveillance. Il a perdu son
statut de prêtre et de capucin. Il a tout perdu, le respect de ses frères, du clergé,
de sa famille, de la société. Il n’est plus rien.
Ce qui me met en colère, c’est le déni. Joël Allaz se réfugie encore derrière le
fait que je n’ai jamais dit non clairement. Ce qui me met en colère, c’est le nondit.
C’est le non-dit qui tue les familles. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui je
travaille sur un projet de campagne pour que les enfants sachent qu’ils peuvent
dire non, qu’ils doivent dire non. On l’a testé dans trois classes, et dans ces
trois classes trois enfants ont appelé le numéro d’urgence. Et cela s’est passé
en Valais. Chez vous.
J’avoue être choquée par le fait qu’il ne souvienne pas de vous. Ou si peu. Et si
mal. Alors qu’il a fracassé votre jeune existence. Cela en dit long sur sa relation
à l’autre, non ?
J’étais un objet pour lui, et c’est tout. Un objet oublié, un objet parmi tant
d’autres.
Il ne me reconnaît donc pas, mais moi non plus. Je ne l’ai pas reconnu quand
je suis allé le voir la première fois. Il y a comme une fracture temporelle, un
«avant» et un «après». Le fait que je ne le reconnaisse pas m’a aidé dans
cette rencontre que je craignais, parce que je pensais que je subirais un choc
énorme. Mais pas du tout.
C’est un grand manipulateur, qui tente toujours de charmer son interlocuteur,
qui veut qu’on le plaigne. Mais je me suis libéré de son emprise : je ne l’insulte
pas, mais je vois clair en lui. C’est moi qui ai pris le dessus cette fois, qui l’ai
utilisé. C’était à mon tour de le faire, et je l’ai fait pour de bonnes raisons. Je lui
ai envoyé des journalistes, la RTS a fait un film sur lui. Je voulais qu’on l’écoute
dire qui il est. Que cela se sache.Cela permet de mieux comprendre comment
ces gens fonctionnent, cela nous permet de mieux anticiper, d’imaginer de
meilleures campagnes de préventions.
La seule chose qu’il ait refusé, c’est une photo de nous deux ensemble, et on a
dû ruser pour l’obtenir.
J’ai pardonné enfant, mais, adulte, j’ai toujours pensé que c’était moi le pauvre
type, alors que c’est lui. Cela, je ne l’ai réalisé que tardivement. C’est dommage,
parce que ma famille a beaucoup souffert, mes frères et soeurs ont eu
une vie difficile.
Personnellement, il me semble que l’on peut pardonner si l’on reçoit des excuses
sincères. Que valent celles de Joël Allaz ? Qui avoue avoir été conscient
de ses actes. Mais avoir été trop occupé dans le passé pour se faire soigner. Ou
trop honteux. Et puis reproche à Dieu de ne pas l’avoir retenu.
Il ne s’est jamais excusé frontalement, verbalement. Il ne m’a jamais regardé
droit dans les yeux. Ses excuses ne valent rien, il reste un homme qui a toujours
menti. Il reste un violeur et un manipulateur. Il a berné tout le monde et maintenant
qu’il est coincé, il s’excuse ? Il le fait parce qu’il est acculé. Il reconnaît les
faits parce qu’il a été obligé de le faire.
Ses excuses ne valent donc rien, mais ce qui est important c’est qu’il a reconnu
les faits. Je pensais que j’étais le seul, mais il y avait d’autres victimes. A Sion.
A St-Maurice. Dans plusieurs paroisses en France. Je n’étais pas le seul. Il y a
des dizaines de victimes connues à ce jour. Les capucins sont donc confrontés à
un véritable problème avec lui, il va leur coûter une véritable fortune en indemnisations.
Et c’est juste qu’ils paient.
Le pardon est socialement encouragé, mais est-il vraiment indispensable pour
se reconstruire ?
Je suis persuadé que celui qui ne pardonne pas – même les petites choses de
la vie – va devoir porter une charge, très lourde, et cela le rendra malade. Tant
que tu ne pardonnes pas, tu n’es pas libre. Ce que Joël Allaz m’a fait ne me
poursuivra pas jusqu’à la mort : je suis un homme debout.
Je ne pardonne pas pour lui faire du bien, à lui. Je pardonne, pour moi. C’est
mon Pardon à moi, qui n’implique personne d’autre que moi. Je ne pardonne
pas pour les autres, ni pour lui. On est toujours seul, face aux épreuves de la
vie, même si l’on est très soutenu par sa famille, ce qui est mon cas. Je suis
seul face à ces souvenirs atroces, alors c’est à moi de faire ce pas, sans me
préoccuper de quiconque.
Que peut-on vous souhaiter ?
Je suis un homme debout parce que je suis conscient de ma fragilité, de cette
fragilité qui m’accompagne dans la vie, qui me définit puisque je la connais
depuis l’enfance. Elle est ma chance aussi, parce qu’elle me protège dans un
certain sens, elle m’empêche de me fermer au monde.
Je m’accepte comme je suis, avec ce passé particulier qui m’a tant blessé, mais
qui me permet aujourd’hui d’aller à la rencontre des autres, et de les aider
comme je peux.